lundi 27 novembre 2006

LES ASSEMBLEES DES MANANTS DE L'EPINE AU XVIIème siècle

Quelles étaient les préoccupations de nos ancêtres, à l’EPINE, au XVIIème siècle ? Il n'est pas facile de s'en faire une idée exacte, faute de sources directement utilisables. Je vais néanmoins essayer d'évoquer la vie des habitants de l'EPINE, durant cette période, à travers les différents documents disponibles aux Archives Départementales de GAP. Je n'ai point du tout l'intention de faire un cours d'histoire sur la période considérée; cependant il me paraît utile de brosser un rapide tableau de la société composée, au XVIIème siècle, des trois ordres : clergé, noblesse et tiers-état. Les hommes et les femmes composant le tiers-état, les aïeux de la plupart d'entre nous, étaient placés sous la juridiction d'un seigneur, ecclésiastique ou laïque, plus ou moins puissant, auquel ils étaient entièrement soumis et à qui ils devaient prêter hommage, en échange de quoi le seigneur leur "affitait" (voir les notes en fin d'ouvrage)) des terres pour leur permettre de subsister avec leur famille.

LES ASSEMBLEES DES MANANTS ET HABITANTS DE L'EPINE AU XVIIème siècle

Quelles étaient les préoccupations de nos ancêtres, à l’EPINE, au XVIIème siècle ? Il n'est pas facile de s'en faire une idée exacte, faute de sources directement utilisables, je vais néanmoins essayer d'évoquer la vie des habitants de l'EPINE, durant cette période, à travers les différents documents disponibles aux Archives Départementales de GAP. Je n'ai point du tout l'intention de faire un cours d'histoire sur la période considérée; cependant il me paraît utile de brosser un rapide tableau de la société composée, au XVIIème siècle, des trois ordres : clergé, noblesse et tiers-état. Les hommes et les femmes composant le tiers-état, les aïeux de la plupart d'entre nous, étaient placés sous la juridiction d'un seigneur, ecclésiastique ou laïque, plus ou moins puissant, auquel ils étaient entièrement soumis et à qui ils devaient prêter hommage, en échange de quoi le seigneur leur "affitait"(1) des terres pour leur permettre de subsister avec leur famille. Le 21 septembre 1675, François de MORGES de MOUSTIERS exige un nouvel hommage des habitants de l'EPINE. La terre qu'ils cultivaient péniblement appartenait au seigneur qui la leur confiait, c'est ce qu'on appelait une tenure ou une manse, en échange d'une redevance soit en argent : le cens, soit en nature : produits de la culture et de l'élevage, et en travail : les corvées; ce qui permettait au seigneur de faire cultiver sa réserve, c'est-à-dire la partie de son domaine qu'il faisait exploiter pour son propre compte. De plus, sur tout le territoire seigneurial, les banalités étaient très lourdes à supporter pour tous les censitaires qui y étaient soumis. Le seigneur obligeait ceux qui vivaient sur ses terres à utiliser, moyennant une rétribution, le moulin banal, le four banal, le pressoir banal et parfois le verrat banal ou le taureau banal. L'invention du collier d'attelage, ou collier d'épaule, qui n'étranglait plus le cheval, dont l'usage se généralisa dès le Xème siècle, et la pratique de l'assolement triennal permirent d'obtenir une nette amélioration du rendement agricole, rendement encore très insuffisant, deux à trois fois la semence tout au plus; les disettes n'étaient malheureusement pas rares et elles se changeaient parfois en véritables famines. Le 7 août 1678, le châtelain et les consuls cherchent à emprunter du blé pour fournir la semence aux habitants, démunis à la suite de la disette qui a sévi cette année-là. La grande famine de 1694 est tristement célèbre. La destruction des récoltes durant les guerres successives causent souvent ces famines ou ces disettes, mais la responsabilité en 1 incombe parfois aux mauvaises conditions atmosphériques. Le mardi 24 mai 1644, dans la soirée, une violente tempête anéantit la plus grande partie des blés, du chanvre, des foins et de tous les "fruictages". On fait appel à des personnalités étrangères à l'EPINE pour évaluer les dégâts. Le 25 mai, le châtelain et le curé de MONTCLUS, le châtelain et le capitaine de SERRES et Antoine BEYNET, de CHANOUSSE, accompagnés par M. ABERT, prêtre et curé de l'EPINE, constatent que les 2/3 des récoltes sont entièrement détruits. Forts de ce témoignage, les consuls font observer aux diverses autorités que les charges que doit supporter la Communauté et sa grande misère ne lui permettront pas de subsister jusqu'à la récolte, aléatoire, de 1645. D'ailleurs plusieurs familles, complètement ruinées, sont sur le point de quitter l'EPINE, en abandonnant le peu qu'il leur reste. A l'EPINE au XVIIème siècle, comme ailleurs, la paroisse était placée sous l'autorité d'un seigneur, et les diverses redevances étaient dues comme auparavant, y compris les différentes dîmes tant au seigneur qu'au prieur. Avec un peu de chance, il est possible de se faire une idée de la vie quotidienne des villageois grâce à trois sources d'archives : les minutes notariales, les procès-verbaux de délibérations communales et les rapports de visites pastorales. Je laisse de côté les registres de catholicité qui ne mentionnent guère que les baptêmes, les mariages et les sépultures et qui, par nature, présentent le grave défaut d'exclure les protestants, pourtant nombreux dans la région. Les minutes notariales de l'EPINE sont pratiquement inexistantes. Seules ont été conservées aux Archives Départementales des minutes du 13 mai au 17 octobre 1599 et du 21 février au 18 avril 1600 reçues par Maître Pierre FAULCONNET, notaire à SALEON et ORPIERRE, d'une part, et par Maître BERNARD, notaire à l'EPINE, du 14 janvier au 31 décembre 1700, d'autre part, pour la période qui nous intéresse. Toutes les minutes notariales de l'EPINE pour le XVIIème siècle ont donc disparu, à l'exception de ces trop rares documents. Par contre, il est possible d'utiliser quelques registres des notaires de MONTMORIN, Maîtres Gabriel,

Alexandre et Esprit GIELLY, du moins ceux qui ont subsisté, et qui contiennent un certain nombre de minutes concernant l'EPINE. Ainsi, les 58 minutes de Me FAULCONNET, les 134 minutes de Mes GIELLY et les 31 minutes de Me BERNARD reflètent pratiquement chacune des activités susceptibles de faire l'objet d'un acte notarié : contrat de mariage et paiement de la dot; testament; bail et arrentement; achat, vente et échange; reconnaissance de dette et quittance; contrat d'apprentissage; donation; partage et affrairement; tutelle; prisfaict (2) et expertise; enfin hommage et affitement. Cependant, le nombre limité de minutes et la durée dans le temps trop restreinte ne permettent pas d'effectuer une étude sérieuse et approfondie des conditions de vie à l'EPINE au XVIIème siècle. C'est la raison qui m'a conduit à choisir ce sujet portant sur les assemblées des manants et habitants. Pour vous parler des préoccupations de nos ancêtres vivant à l'EPINE, au XVIIème siècle, je n'utiliserai donc que les procès-verbaux des assemblées des manants et habitants; laissant de côté les 2 relations des visites pastorales que je vous présenterai ultérieurement. A compter de la proclamation de l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) le français remplaça peu à peu le latin dans les actes officiels. Les minutes notariales, comme les procès-verbaux des assemblées générales ou les relations des visites pastorales sont donc rédigés en français, mais un français, un .peu différent du nôtre., le français que l'on parlait au XVIIème siècle agrémenté de nombreuses expressions dialectales ne figurant souvent dans aucun dictionnaire, car le dialecte provençal parlé à 1'EPINE à cette époque a évolué comme le font toutes les langues vivantes, de sorte qu'il n'est pas toujours facile de résoudre certaines difficultés. En dehors des termes concrets désignant des animaux, des végétaux ou des objets, et dont la signification est parfois difficile à appréhender, il est bon de se familiariser avec les unités de mesure, les espèces numéraires ayant cours et la monnaie de compte. Si les espèces numéraires avaient, en principe, une valeur reconnue, par contre les mesures de longueur, de superficie et de capacité variaient pratiquement de village à village et l'on prenait grand soin de préciser, dans chaque document "mesure de 1"EPINE" ou "mesure de RIBEYRET"... Les principales mesures utilisées à l'EPINE étaient : la bègue : mesure de superficie pour les prés uniquement; la cétoirée, ou cétérée ou sestoirée : environ 11,40 ares de terre arable; la fossoyrée ou fossorée : surface piochée par un homme en un jour, environ 4 ares de vignobles; la journée : surface de terre qu'une charrue peut labourer en un jour; la charge, : mesure de capacité correspondant à la charge d'une bête de somme, environ 3 quintaux; l'eymine, : valant 8 civayers et correspondant à la semence nécessaire pour une superficie de 12 à 14 ares environ. Il convient de préciser que l'évaluation de la superficie d'une terre ne se faisait pas à l'aide de mesures de superficie mais à raison de la quantité de semence nécessaire pour ensemencer ladite terre, ainsi on parlait d'un chenefvier (champ de chanvre) de 2 civayers de semence de chanvre, ou d'une terre de 3 eymines de semence de blé ou d'avoine... On n'évaluait pratiquement jamais la superficie d'un champ en fonction du rendement qui demeurait toujours assez hasardeux. Le rapport entre la monnaie réelle, ou espèces numéraires "sonnantes et trébuchantes", et la monnaie de compte, ne servant qu'au calcul, n'était pas constant, il était fixé par un édit du roi. Les monnaies suivantes sont citées dans les procès-verbaux des assemblées générales de l'EPINE : la pistole : monnaie de compte valant 10 livres, les pistoles à l'origine provenaient soit d'Espagne, soit d'Italie; le ducat : monnaie frappée dans un duché (en premier, semble-t-il celui de Ravennes, puis celui de Venise), le ducat d'or 3 valait 2 écus, le ducat d'argent 1 écu; 1'écu : monnaie valant 3 livres; le florin : monnaie d'or émise en premier à Florence, puis en divers pays, ce qui explique les variations de sa valeur; le florin de Savoie, que l'on trouvait à l'EPINE valait 12 sous, tandis que le florin d'Italie valait 20 à 25 sous; la livre: monnaie de compte valant 20 sous ou 1 franc. Le franc mis en circulation vers 1364 (Charles V) était une monnaie d'or et monnaie d’argent en 1575, il valait 20 sous comme la livre ; le sou ou le sol : 12 deniers; le gros (monnaie provençale) : 4 liards ou 8 patacs; le liard : 3 deniers; le denier : 2 mailles ou 2 oboles ou 4 pites (la maille, l'obole et la pite ne furent plus que des monnaies de compte à partir du début du XVIIIème siècle); le louis date de la fin du règne de Louis XIII (1643), sa valeur passa de 10 livres à 11 livres, puis 12 livres et même 24 livres sous Louis XVI (monnaie d'or). Il existait encore de nombreuses monnaies, comme le gros écu d'argent valant 6 livres, ou le douzain de cuivre valant 1 sou et le sizain, de cuivre également, valant 6 deniers. Sous l'Ancien Régime, la fiscalité pèse très lourdement sur les paysans, les ouvriers, les artisans et les commerçants : qu'il s ' agisse d ' impôts dont on s’acquitte soit par le paiement d’ une somme plus ou moins importante, soit en fournissant des produits de la terre ou de l'élevage, soit par un travail plus ou moins long. Lorsque la Communauté ne respectait pas les délais prévus pour le règlement de l'impôt, les autorités lui infligeait, en premier lieu, des intérêts de retard; si cela se prolongeait on envoyait un ou plusieurs soldats, les garnisaires, loger chez l'habitant. Non seulement les contribuables retardataires devaient nourrir le (les) soldats! s) et la (les) monture! s), mais aussi, payer la solde de chaque jour. Ceci, bien entendu, s'ajoutait aux intérêts qui continuaient à courir. Le 30 mars 1694, par exemple, la Communauté n'ayant pas entièrement acquitté l'office de secrétaire-greffier, une brigade est logée chez Esperit BENOIT et menace de ne pas bouger jusqu'à l'entier paiement de la dette. Pour mieux comprendre l'importance accordée par nos ancêtres à ce problème de la fiscalité, passons rapidement en revue les principaux droits et taxes qui pesaient sur eux au XVIIème siècle. Les impôts, droits, taxes et redevances étaient perçus selon leur nature par le seigneur, ou par le clergé ou par l'Etat. Il n'est, bien entendu, pas possible de traiter exhaustivement dans ce modeste exposé la question de la fiscalité sous l'Ancien Régime, seules les impositions les plus critiquées seront présentées. Les aides étaient perçues sur la consommation et la circulation des denrées, principalement sur les boissons, mais aussi sur la marque des métaux (fer, or, argent), les huiles, les savons, les papiers, les cartes à jouer... Les aides étaient d'une excessive complexité et d'une grande inégalité selon les provinces. De nombreux droits locaux comme les péages sur les routes, et pour passer sur ou sous Les ponts, 4 entre autres, étaient en vigueur. Certains droits n'étaient pas ressentis comme un péage réel mais plutôt comme un droit de passage, tel était par exemple le droit de pulvérage (ou de poussière) que percevait le seigneur de 1'EPINE sur tous les troupeaux transhumants qui traversaient son territoire. Les banalités sont des droits institués par le seigneur qui possède, et entretient, le moulin, le four, le pressoir, et qui oblige ses sujets à les utiliser moyennant un droit pour chaque opération. Le moulin banal, qui empêchait les habitants d'aller faire moudre leurs grains ailleurs, était une des causes de la mauvaise circulation des céréales. La capitation était un impôt direct frappant, en principe, chaque feu ou famille. La capitation devait être acquittée par toute la population divisée pour ce faire en vingt-deux classes (la première classe comprend le Dauphin, les princes du sang...; et la vingt-deuxième les manouvriers, les journaliers.. . ), sauf le clergé qui se considérait comme exempt de toute contribution au bénéfice de l'Etat et qui se rachetait : les "dons gratuits". La capitation,destinée à soutenir l'effort de guerre, devait être supprimée à la fin des hostilités. Supprimée en effet après la paix de RYSWICK, en 1698, la capitation fut rétablie en 1701. Le cens était une redevance annuelle, fixe et perpétuelle due au seigneur par les censitaires, c'est-à-dire par les vassaux; les terres soumises au cens, ou censives, étaient frappées en cas de mutation du droit de "lods et ventes" (héritage, vente...), c'était là le droit le plus intéressant pour le seigneur du point de vue du rapport. Les corvées se subdivisaient en deux grandes catégories : - les corvées seigneuriales, dont l'objet et la durée étaient fixées par la coutume et qui furent peu à peu remplacées par des redevances en espèces ; - les corvées royales, ou corvées pour les grands chemins, pour lesquelles les paroisses devaient fournir un certain nombre de personnes (un homme équivalait à deux femmes) pendant une durée déterminée (entre 6 et 40 jours) chaque année, étaient souvent des charges très lourdes à supporter, d'autant plus qu'elles donnaient lieu à de nombreux abus et intervenaient souvent au moment des travaux agricoles, la moisson par exemple. Les hommes étaient exempts à partir de 70 ans, les femmes à partir de 60 ans, les enfants au-dessous de 14 ans. Quelques catégories 'd ' individus 'étaient "exemptées de corvées royales : les maîtres de poste, les maîtres d'école, les bergers de plus de 100 bêtes, les habitants des villes... Ceux qui habitaient des paroisses situées à moins d'une lieue et demie de l'endroit où devaient s'effectuer les travaux de réfection ou d'entretien de la route étaient convoqués à la sortie de la messe. Des amendes étaient prévues pour les paroissiens défaillants : 10 livres pour les édiles de la communauté, 3 livres pour un manouvrier... La remise en état et l'entretien des chemins constituaient les corvées les plus fréquentes. Le 17 octobre 1683, le châtelain et les consuls sont priés de prendre soin à la marque des chemins, en quelque sorte de les baliser, en particulier le grand chemin allant à 5 RIBEYRET, en respectant les indications suivantes : du moulin au coin de la terre de RIBEYRET (?) prévoir une largeur de 16 pans, ailleurs de 12 pans seulement. Chaque paroissien fera sa part de travail, en fonction des marques faites. Une autre corvée est signalée le 18 août 1686. Le 22 juin 1692, la réparation des chemins est exigée par une ordonnance des Trésoriers de France, qui stipule que chacun effectuera ce travail en "droict soy" . Les corvées étaient parfois décidées par l'assemblée pour le bien commun. Ainsi le 22 juin 1632, toutes les bêtes de trait, boeufs et autres, devront assurer le transport des pierres, de la chaux et du sable destinés à l'édification de Saint-Sébastien, à raison de 6 voyages par animal. Chacun, propriétaire de bête ou non, participera à ce charroi; il est prévu une amende de 12 sous pour les absents et de 6 sous pour ceux qui ne fourniront pas leurs animaux pour cette corvée . Les dîmes, impôts en nature, sont prélevées par le clergé, généralement par le prieur décimateur, et elles donnent lieu à de nombreuses querelles. Elles se subdivisent en : - grosses dîmes, sur les céréales et le vin; - menues dîmes, ou vertes dîmes, sur les légumes, les fruits, le 1 in ... ; - dîmes de carnage, ou charriage, sur le croît des troupeaux. Contrairement à une opinion largement répandue, les dîmes, théoriquement destinées à subvenir aux frais du culte dans chaque paroisse, n'étaient pas prélevées dans la majorité des cas par les curés desservant lesdites paroisses, mais par les grands décimateurs représentant les évêchés , les abbayes, les chapitres. . . Les curés ne percevaient guère que la portion congrue qui les empêchait à peine de mourir de faim et ne leur permettait pas de secourir les pauvres. Le bénéficiaire des dîmes, en l'occurrence le prieur décimateur, devait en application des dispositions de l'arrêt du Parlement de GRENOBLE. de 1564, reverser le 24 ème du montant des dîmes pour les pauvres et les hôpitaux, ce qu'il ne faisait guère, d'où de fréquentes contestations. Les paroissiens étaient tenus d'entretenir l'église à leurs frais ainsi que le presbytère, ceci justifie l'impopularité des dîmes . La gabelle était, sans conteste , 1 ' impôt le plus impopulaire et le plus injuste de tous. A l'origine, les gabelles étaient des taxes sur les ventes de divers produits, les textiles, les vins. . . Mais dès le règne "de PHILIPPE V le LONG (1294-1322)" le terme "gabelle" ne fut plus utilisé que pour désigner l'impôt sur le sel, impôt très ancien dont l'application fut généralisée sous PHILIPPE VI de VALOIS en 1331 et 1343, monarque qui érigea en monopole au profit de la couronne le commerce du sel, avec cependant des régimes différents selon les régions. Cet impôt, si détesté, fut l'une des causes de nombreuse révoltes, celles des Croquants en Guyenne (1594) et des Nu-pieds en Normandie (1639) entre autres. Le souvenir de cet impôt s'est perpétué jusqu'à nous à travers le mot "gabelou" qui désignait autrefois les commis de la gabelle et qui, aujourd'hui, est employé pour désigner, avec une nuance péjorative, les douaniers, après avoir été utilisé pour les fonctionnaires de l'octroi. La gabelle fut introduite en 6 Dauphiné vers 1640. Les particuliers s'acquittaient de l'impôt sur la gabelle en s'approvisionnant dans les greniers à sel du roi, où l'on était obligé d'acheter une certaine quantité de sel à un prix fixé arbitrairement par le pouvoir. En 1680, une ordonnance subdivise le royaume, du point de vue de la gabelle, en six parties : - 1) .les .pays de,, "grande, gabelle » , Le sel est très cher et les habitants sont astreints à une consommation obligatoire, environ 72 litres par groupe de 14 personnes au-dessus de huit ans. - 2) les pays de "petite gabelle". le prix du sel est maintenu à un niveau peu élevé, et la population est libre d'acheter la quantité de sel qui lui convient; le Dauphiné était rattaché aux pays de "petite gabelle"; - 3) les pays de "salines", où l'on consommait du sel gemme extrait des mines de sel. - 4) les pays "rédimés" qui, en 1553, se sont rachetés du quart ou du cinquième de la valeur du sel en acquittant une somme de 1.194.000 livres. Le sel, dans les pays "rédimés", était très bon marché ; - 5) les pays de "quart-bouillon" où l'on faisait bouillir du sable imbibé d'eau de mer afin d'en extraire le sel. - 6) les pays "exempts", dans lesquels le prix, la circulation et le commerce du sel étaient entièrement libres. Ces régimes disparates provoquaient la colère des plus mal lotis et favorisaient la contrebande du sel, ou "faux-saunage", à laquelle se livraient les "faux-sauniers", malgré la surveillance des "gabelous" ou "gapians". La taille était un impôt exclusivement rural. Au début, la taille était levée par le seigneur, son montant fixe arbitrairement et la perception s'effectuait sans périodicité définie. A partir de 1439, la taille devint un impôt royal, sous prétexte d'entretenir une armée permanente. Elle correspondait a un impôt de répartition, cela signifie que la somme globale que devait rapporter la taille durant l'année considérée était déterminée par le Conseil du roi; cette somme faisait ensuite l'objet d'une répartition plus ou moins équitable entre les généralités (16 en 1542 et 34 en 1789), puis au sein de chaque généralité entre les élections, et à l'intérieur de celles-ci entre les paroisses, et enfin dans chaque paroisse entre les taillables, c'est-à-dire les personnes imposables. Ce dernier travail était accompli par des collecteurs élus, ou parfois nommés, parmi les habitants de la paroisse, qui remplacèrent à compter de mars 1660 les "asséeurs" ( 3 ) ; il s ' agissait de fixer le montant de l'impôt du par* chaque paroissien, puis de faire payer cette somme. Tâche redoutable qui engendra de solides inimitiés, voire même de véritables haines. La taille était soit personnelle soit réelle; la première, comme son nom l'indique, portait sur les personnes, la deuxième sur les biens, en fait la terre roturière. La taille fut déclarée réelle en Dauphiné par l'arrêt royal du 31 mai 1634, confirmé le 24 octobre 1639. De nombreux privilégiés réussissaient à se faire exempter de la taille si bien que, le montant de l'impôt à régler par la paroisse demeurant identique, la charge de chacun des non-privilégiés imposables augmentait d'autant. En 1549, Henri II institua le taillon, supplément à la taille. 7 Le montant de la taille variait d'une année à l'autre; il fut presque quadruplé entre 1625 et 1640, sous le gouvernement de RICHELIEU, 1'EPINE qui devait s'acquitter de 195 livres en 1622 (22 février) dut débourser en 1643 (18 janvier) 726 livres 6 sous 9 deniers. Au XVIIème siècle, d'autres impôts, comme le dixième puis le vingtième, Vinrent alourdir cette fiscalité déjà importante. Ces divers impôts taxe et redevances pesaient lourdement sur les assujettis. L'organisation municipale comprenant un maire et un conseil ne fut créée que le 14 décembre 1789. Sous l'ancien régime, on ne connaissait que la paroisse, l'unité territoriale laïque se confondait alors avec l'unité religieuse, ecclésiastique. Dès 1692 un édit royal créa des offices de maires et d'assesseurs perpétuels, ainsi que d'autres fonctions, dans les villes du royaume. Ces offices étaient, bien sûr, vendus aux intéressés; mais les paroisses rurales n'appliquèrent guère cet édit. Cependant, en novembre 1694, sieur Esperit BENOIT acheta l'office de maire perpétuel de 1'EPINE. Le 10 novembre 1697, il obtint des élus de MONTELIMAR un décret lui accordant 36 sous d'indemnité par assemblée, avec effet rétroactif. L'assemblée exceptionnellement nombreuse, 42 personnes, s'opposa à ce décret et révoqua non seulement tous, les -pouvoirs, du .maire,, mais, .aussi .les..assemblées et délibérations antérieures. A partir de ce jour, le maire ne figura plus dans la liste des participants aux assemblées. Parfois un syndic était nommé, sous le contrôle de l'intendant, pour représenter la communauté. Le 14 mars 1643, Esperit BENOIT exhibe sa nomination de syndic de 1'EPINE. Le syndic pouvait fort bien n'être le représentant que d'une partie de la communauté; le 7 mai 1673, Medard SERRE est nommé syndic des "forains" résidant dans les hameaux ou mandements. Les syndics n'étaient pas obligatoirement choisis parmi Les notables ni même parmi ceux sachant lire et écrire. Les personnes vivant dans la paroisse formaient une Communauté, sans véritable existence légale. Communauté composée des manants, ou personnes domiciliées, et des habitants. On désignait généralement sous le nom d'habitants les chefs de famille, composée, théoriquement et pour faciliter un décompte éventuel, de cinq membres. Les de MORGES de MOUSTIERS étaient seigneurs de 1'EPINE. Durant le XVIIème siècle, se succédèrent Jacques, Balthesard et François de MORGES, 'seigneurs de L’EPTNE ,"de VENTAVON et autres lieux . Les de MORGES de MOUSTIERS sont fréquemment désignés simplement sous le patronyme de VENTAVON. Le seigneur percevait , en espèces ou en nature, des droits divers mais aussi les fermages de ses nombreux biens affermés. Bien entendu, le seigneur ne s'occupait pas personnellement de faire rentrer les sommes dues ou ce qui lui revenait des produits de la culture et de l'élevage. Il déléguait ses droits à une tierce personne qui lui réglait le montant convenu à charge pour elle de récupérer ce montant, augmenté d'un bénéfice, sur les fermiers; c'est ce que l'on appelait le rentier, on parlait par exemple du rentier de 1'EPINE ou 8 du rentier de MONTCLUS. Le prieur décimateur, ainsi nommé parce qu'il percevait les dîmes destinées au clergé dans son ressort et qui, généralement, ne résidait pas sur place, avait également un rentier. Le rentier, lorsque la rente était trop importante ou comportait un trop grand nombre de fermiers, subdivisait cette rente en la sous-arrentant (1) à plusieurs individus qui traitaient directement avec lui. Par ailleurs, le seigneur, qui se déplaçait, fréquemment pour des campagnes militaires et qui résidait assez souvent à PARIS, ne pouvait pas exercer journellement son autorité dans le village. Il nommait l'un des principaux habitants de la paroisse son châtelain. Ce dernier possédait le statut d'officier seigneurial, il représentait le seigneur, rien ne pouvait se faire ni se conclure sans son accord. A l'origine, le châtelain était le mandataire du Dauphin. La paroisse était administrée .par . des consuls assistés de conseillers, sous le contrôle du châtelain, parfois assisté d'un adjoint, le vi(ce)-châtelain ou lieutenant du châtelain. A L'EPINE on nommait, ou élisait, deux consuls. Chaque année, le 1er janvier, une assemblée générale des manants et habitants de 1'EPINE, sans omettre les "forains", ou "forens", était convoquée pour procéder à la nomination , parfois à l’ élection, de nouveaux "officiers" de la Communauté : consuls, conseillers... Cependant en 1648 cette assemblée consacrée au remplacement des consuls ne se réunit que le 12 janvier. Les consuls, dont le mandat venait à expiration, ou consuls "jadis", sollicitaient l'autorisation de se démettre de leurs fonctions, faisant observer qu'ils les exerçaient depuis un an révolu et mettant leurs erreurs éventuelles de gestion sur le compte de l'ignorance :" ...declayrant Navoir Manque que par Ignorance Non par Mal1ice..."(janvier 1637), ou exprimant leurs regrets : " ...Silz Nont Sy Bien Servy quilz estoient obliges Supplient humblement Lesditz assambles les en Voulloir Excuzer Et au Surplus den Voulloir Mettre et Eslire dautres pour Servir en Leur lieu et place lannee présente..."(janvier 1647); puis ils proposaient généralement les noms de leurs successeurs Dans le meilleur des cas, ceux qui étaient ainsi proposés et qui, peut-être, avaient été pressentis acceptaient d'assumer la charge consulaire; si personne au sein de l'assemblée ne s'opposait à ce choix, cet assentiment tacite tenait lieu d'élection. Il ne restait plus aux intéressés qu'à prêter le serment requis'entre" les mains du châtelain, jurant de remplir bien et fidèlement leurs charges, et de soutenir les droits de la Communauté, de la veuve et de l'orphelin. A partir de ce moment, les remplaçants étaient investis de l'autorité consulaire et devenaient, pour une année complète, consuls "modernes". Il arrivait que l'un des consuls ne sache pas écrire, voire les deux comme en 1648 et en 1649. Ces nominations n'étaient pas toujours bien acceptées par les intéressés ou par certains participants. Le 1er janvier 1639, Martin ALLIER, absent, et Jean TARASCON, qui s'éclipse dès qu'il entend prononcer son nom, sont nommés consuls. Le 9 10 janvier, Martin ALLIER, prétendant être atteint de "Maladie Corporelle", refuse le consulat et Jean TARASCON déclare qu'il aurait accepté cette charge mais puisque Martin ALLIER la refuse, il en fait autant. On menace alors ALLIER de se pourvoir contre lui devant la Cour de GRENOBLE, si bien que le 12 janvier, les deux réfractaires prêtent enfin serment. Le 1er et le 24 janvier 1649, Pompée ABERT, notaire, et ses "adherantz" s'opposent à la nomination de Noël GIROUSSE et de Raymond BAULDRAN, parce qu'ils sont "grangers" tous les deux et fort éloignés l'un de l'autre. D'autres candidats sont proposés, mais Noël GIROUSSE et Raymond BAULDRAN sont élus. En 1664, le 1er janvier, Jacques MORENAS et Jacques ITIER sont nommés consuls, mais Médard SERRE s'oppose à la nomination de Jacques MORENAS, sans donner de raison. Le châtelain et les consuls "jadis" convoquent une nouvelle assemblée le 13 janvier. Là, contrairement à l'usage établi, Médard SERRE et Auzias ALLIER présentent leur candidature, il faut donc procéder à un vote. Jacques MORENAS et Jacques ITIER sont élus à la "pluralité" des voix, c'est-à-dire à la majorité. Médard SERRE, mécontent, quitte l'assemblée, les nouveaux consuls prêtent serment le 24 février. En 1678, l'un des consuls nommés ira même jusqu'à prétendre que le deuxième consul désigné ne peut exercer cette charge car il est poursuivi dans un procès criminel, ce que nie l'intéressé qui est autorisé à prêter serment. Laurens REYNAUD propose, en 1683, François MARON pour le remplacer en qualité de consul, mais François MARON se dérobe et Laurens REYNAUD est obligé, le 6 janvier 1683, de menacer le récalcitrant de poursuites judiciaires pour que ce dernier consente à prêter le serment requis, le 11 janvier. Lors de la passation de pouvoir entre les consuls "jadis", ceux qui avaient terminé leur mandat, et les consuls "modernes", ceux qui commençaient le leur, avait vraisemblablement lieu la transmission de l'éminal, récipienÇ permettant de mesurer une émine de blé, des poids de la "romane", des trois mesures pour le vin, et enfin des clefs des serrures du coffre dans lequel étaient enfermés les documents, soit une clef pour chacun des deux consuls, la troisième étant détenue par le châtelain. Pendant longtemps, la Communauté de 1'EPINE ne posséda pas de coffre; les consuls et le châtelain détenant les documents par devers eux. Le 3 avril 1672, l'assemblée décide de se procurer un coffre pour y enfermer les documents intéressant la Communauté; le 10 janvier 1674, rien n'a été fait, on énonce à nouveau la nécessité de posséder un coffre et de commencer a rechercher les papiers concernant les affaires de la Communauté, papiers détenus par diverses personnes, ce qui est fort gênant pour le châtelain et les consuls qui doivent régler les problèmes. Le 24 octobre 1682, la Communauté possède enfin ce fameux coffre, dont le prisfaict a été accepté le 30 octobre 1678. Il faut maintenant rassembler tous les documents, en particulier ceux qui sont entre les mains des consuls "jadis", mais aussi récupérer le parcellaire, ou cadastre, que l'on a jusqu'ici transporté d'un endroit à l'autre. Les originaux, selon la décision prise, demeureront perpétuellement dans les archives de la Communauté, voeu pieux qui n'a malheureusement pas été entièrement réalisé ! Le 4 mars 1685, on recherche toujours les papiers, il est décidé que ceux qui en détiennent et qui refuseront de les remettre aux consuls seront poursuivis en justice. Enfin, le 23 avril on consacre 10 100 livres à la recherche desdits papiers. Les consuls au terme de leur mandat étaient tenus de rendre compte de leur gestion. On nommait des auditeurs pour "ouïr" les comptes consulaires et en vérifier la bonne tenue et la sincérité. Parfois cette vérification n'avait pas lieu immédiatement, les consuls "jadis" ne pouvant pas présenter leur comptabilité d'une manière crédible et étant obligés de se justifier. Quelquefois, le bilan de l'exercice des consuls jadis était refusé par les auditeurs et, bien entendu, par l'assemblée ensuite. Le 4 avril 1636, il est demandé aux consuls responsables de faire à la Communauté "quelques offres dacomod(ation)" et moyennant le versement de cent livres, ils seront déclarés quittes, ce que les intéressés n'acceptent pas, si bien qu'après une nouvelle délibération il est décidé de clore le compte. Les tâches dévolues aux consuls et leurs responsabilités étaient diverses. Ils ne pouvaient, généralement, rien décider seuls, la plupart du temps les décisions étaient prises au cours d'une assemblée générale. Les assemblées générales, sans périodicité fixe, avaient lieu en principe un dimanche, soit après la messe, soit l'après-midi; sauf l'assemblée du 1er janvier de chaque année réservée à la nomination des "officiers" de la Communauté : consuls, conseillers, prudhommes... Les intéressés étaient prévenus à l'issue de la messe dominicale, ou personnellement par le valet de ville, en cas d'urgence. Le 12 janvier 1686, l'assemblée décide de révoquer les 12 conseillers nommés le 1er janvier; désormais les affaires de la Communauté se traiteront en Conseil général dans la maison de ville. Mais, dès le 1er janvier 1688, on procède de nouveau à la nomination de 11 conseillers. Certaines assemblées, bien que convoquées régulièrement, devaient être reportées pour diverses causes, en particulier la non participation. Le 6 janvier 1641, l'assemblée est renvoyée au dimanche suivant car le châtelain, dont la présence est obligatoire pour la validité des décisions prises, est absent. Parfois les débats se poursuivaient, malgré l'absence de quelques participants. Ainsi le 12 mai 1641, les forains ont bien été convoqués par lettre et messager mais ils n'ont "daigne de Venir". Le 25 novembre 1644, malgré les convocations régulièrement faites, personne, absolument personne, ne s'est présenté pour délibérer; alors qu'habituellement le nombre des participants oscillait entre 30 et 45 individus. Ce phénomène des absences s'accentue au cours du temps, si bien que le 6 janvier 1672, il est proposé de donner pouvoir à un certain nombre de présents pour représenter les absents; et finalement il est décidé qu'il suffira de huit personnes présentes pour délibérer valablement sur toutes les affaires de la Communauté et prendre des décisions. Le 13 mai 1674, on ne put même pas réunir ces huit personnes; il en est de même le 21 avril 1675, et le 17 novembre 1683, entre autres. Au cours de ces assemblées, chacun pouvait donner librement son avis sur la question faisant l'objet du débat, lorsque les avis divergeaient on procédait à un vote. A partir de 1628, les décisions prises par l'assemblée durent être avalisées par le subdélégué résidant au BUIS, représentant l'intendant, agent du gouvernement. 11 Quelquefois, la délibération tournait court; le 9 août 1676, par exemple, Jacques MARON fait irruption dans la salle du conseil, furieux, ivre de colère, hurlant qu'il va défénestrer le consul Jaume GIROUSSE, si bien que tous les assistants, effrayés, prennent la fuite et la séance est renvoyée à plus tard. Nous ignorons malheureusement la raison de cet accès de fureur; mais on peut néanmoins observer que Jaume GIROUSSE et Jacques MARON furent consuls ensemble en 1668, que se passa-t-il alors ? En cas d'urgence, lorsqu'une question exigeait une réponse rapide, le châtelain et les consuls réunissaient un "Conseil particulier" comprenant quelques notables. L'assemblée générale suivante était priée d'entériner la décision prise par le Conseil particulier. Le 8 octobre 1691, un tel Conseil traite du problème de la fourniture d'avoine pour l'armée; le 14 octobre, il s'agit du recrutement du maître d'école et du garde-champêtre. La vie au sein du village supposait, comme aujourd'hui, qu'un certain nombre de fonctions indispensables soient assumées, telles que celles de secrétaire de la Communauté, de maître d'école, de sergent de garde-terre, de garde du terroir ou de garde-fruits ou encore de valet de ville ... Toutes ces fonctions, et d'autres encore, étaient mises aux enchères pour une durée d'un an, pendant une assemblée. Les personnes intéressées par l'une de ces charges, garde-terre par exemple, proposaient de remplir cet emploi une année entière moyennant telle rétribution, un autre individu se disait prêt à assumer la fonction pour une rétribution moins importante. Ces enchères, en effet, contrairement à celles mises en oeuvre pour une vente, diminuaient au fur et à mesure et l'emploi était donné à celui qui avait fait l'offre la plus basse, le "moins disant" selon l'expression consacrée . Lorsque celui qui avait obtenu la charge ne donnait pas satisfaction, les consuls n'hésitaient pas à le remplacer en cours d'année, par exemple le garde-terre le 13 mai 1685. Ce procédé était également souvent utilisé pour la désignation d'un soldat quand la paroisse était tenue'd'en fournir un. S'il est inutile de préciser quel était le travail du secrétaire, il est sans doute bon d'indiquer ce que faisaient exactement le maître d'école et le sergent, le garde du terroir et le valet de ville . Le maître d'école, ou régent de la jeunesse, qui parfois combinait cette charge avec celle de secrétaire, devait, selon les clauses stipulées par son contrat annuel de louage, "Enseigner et Instruire les enfans", c'est-à-dire leur apprendre à lire, écrire et compter, mais aussi l'essentiel de la religion en tenant compte pour chacun de la forme de "la Religion qui font profession", les enfants étaient effectivement partagés entre la religion catholique, apostolique et romaine et la religion réformée. D'ailleurs le maître lui-même pouvait être aussi bien catholique que protestant, dans le premier cas il était tenu de conduire les enfants catholiques à la messe, quelquefois de servir la messe, de sonner les cloches, voire d'être fossoyeur; lorsqu'il était protestant, son contrat prévoyait l'obligation de libérer les enfants catholiques à l'heure des offices religieux. Le maître d'école, ou régent de la jeunesse, était nommé pour un an après avoir accepté le bail de l'école ou contrat de louage,document qui fixait les droits et les devoirs du maître d'école d'une part, de la Communauté d'autre part, en particulier la 12 rémunération oscillant généralement entre 80 et 100 livres annuelles, soit 30 livres versées par la Communauté et le reste par les parents d'élèves. Le secondaire, adjoint du curé, ou le curé lui-même, cumulait parfois la charge curiale et celle de l'école. Le sergent était chargé de faire appliquer dans le village les décisions des consuls et de l'assemblée. Le garde du terroir ou garde- ' terre ou garde-fruits surveillait, comme un garde-champêtre, les forêts et les bois seigneuriaux et communaux et, au moment des récoltes, les champs et les vergers pour éviter les vols et chapardages. S'il surprenait un voleur sur le fait, il lui infligeait une amende proportionnée à la gravité de la faute dont il était seul juge, d'où des discussions se terminant parfois par des coups. Le garde du terroir était parfois chargé expressément de la garde des pourceaux, c'est-à-dire de veiller à ce que les porcs ne commettent aucun dégât ni dans les champs cultivés, ni dans les bois et taillis (25 janvier 1648 ) . Estienne BEYNET s'engage, le 9 mars 1664, à garder les "Bourguignons" (4), ou porcs, pour 2 émines de blé chacun, pendant un an. Le valet de ville était en quelque sorte l'équivalent d'un huissier et d'un coursier actuels, en particulier il portait à domicile les convocations délivrées par les consuls ou l'assemblée. Les "officiers" de la Communauté, selon le terme utilisé pour désigner tous ceux qui étaient investis d'une charge officielle, percevaient des gages quand la trésorerie, hélas souvent déficiente, le permettait. Les procès-verbaux, lacunaires, ne comportent aucune indication sur les gages des consuls; par contre il est précisé que le secrétaire recevait 18 1. en 1636 et 12 1. en 1654 et 1655; le garde du terroir : 91. en 1636, 12 1. en 1641, 24 1. en 1643 et 18 1. en 1648 et 1655; le garde-fruits : 8 1. en 1637; le sergent : 9 1. 12 s. en 1639, le valet de ville : 9 1. en 1650. Les fluctuations concernant les gages du secrétaire, du garde-fruits et du garde du terroir sont le résultat de la mise aux enchères de ces fonctions. Nous observerions le même phénomène pour le sergent et le valet de ville si les documents conservés ne présentaient pas de lacunes. Les prudhommes percevront 6 1. chacun par expertise, en 1641. Bien qu'il ne s'agisse pas d'officiers de la Communauté, il est possible d'indiquer ici le montant des gages de la sage-femme : 31. 12 s. en 1636 et en 1650. Les consuls mettaient également aux enchères, dans les mêmes conditions que ci-dessus, différents baux; entre autres celui de la panaterie, celui de la boucherie, celui de la gabelle ou du sel, celui des tailles et divers autres. Passons rapidement en revue quelques uns de ces baux. Le bail de panatier, (individu acceptant de fabriquer du pain pour la collectivité), ou de panaterie, (fonction), énumérait dans le détail les obligations du panatier à qui l'on devait proposer, en priorité, le blé récolté sur le terroir de l'EPINE, sous peine d'une amende de 5 sous par émine (8 novembre 1643). Il est dit clairement, le 16 novembre 1636, que si le panatier ne respecte pas les termes de 13 son contrat les consuls le poursuivront en justice. D'ailleurs le châtelain et les consuls se réservent la possibilité de "visiter" le pain, selon l'expression utilisée le 25 janvier 1637. Le 12 mai 1641, Auban ALLIER doit vendre du pain de froment 2 liards la livre, à l'exclusion de tout pain blanc et de tout pain rousset (5), tandis que le 16 janvier 1654, Gaspard ICTIER vend du pain rousset 1 sou et 1, denier la livre. Il est peu fréquent qu'une femme prenne à bail la panaterie, le cas se produit le 24 septembre 1684, Anne ROCHE, veuve de Gaspard RABASSE, s'engage à assurer la fourniture du pain au même prix qu'à SERRES, en respectant les fluctuations éventuelles. Il est même exigé, depuis le 24 octobre 1677, que le panetier présente tous les quinze jours un certificat indiquant le prix du pain à SERRES, afin de justifier toute augmentation ou diminution éventuelles. Le 10 juin 1647, Florent GIROUSSE accepte le bail de la boucherie mis aux enchères par les consuls. Il vendra de la "chair bonne et de recepte" (6) et non de la chair à "Craindre", selon les termes du bail. La viande sera vendue 2 sous la livre de mouton ou la livre de veau, 2 liards la livre de brebis et 1 sou la livre de chèvre ou de boeuf; à condition que lorsqu'un malade le lui demandera, Florent GIROUSSE tue un mouton, à charge pour le malade d'en acheter un quartier, Depuis François 1er la gabelle était affermée. Celui qui prenait à bail la sallature, ou vente du sel de gabelle, et que l'on appelait le sallatier, appartenait de ce fait durant un an à la catégorie des regrattiers. Le regrattier pratiquait le regrat, autrement dit il vendait par petites quantités, en principe une livre et demie au plus, soit des grains, soit du charbon, soit des légumes, le plus souvent du sel. En effet, les greniers à sel, ou dépôts de sel, ne débitaient le sel que par quantités importantes, ce qui gênait considérablement les petites 'gens. Bien entendu le regrattier prélevait un bénéfice sur ses ventes, bénéfice déterminé par le bail qui fixait le prix de vente maximum. La sallature était soumise à des obligations plus strictes que les baux précédents, les commissaires du sel du BUIS et de NYONS contraignaient les sallatiers à tenir un registre sur le débit général et le débit particulier du sel; ce registre, acheté à MOLLAN'S le 4 mars 1674, coûta 7 livres et 3 livres furent déboursés pour aller de 1'EPINE à MOLLANS et retour, soit 3 jours de voyage. Jean et Jacques MARON, père et fils, acceptent de vendre le sel 24 sous le civayer, le 5 mai 1641. Les sallatiers étaient tenus de consentir un rabais de 4 sous aux personnes achetant une émine de sel à la fois. Par ordonnance du 3 mars 1664, le Fermier des gabelles du sel impose l'établissement d'un regrattier à l'EPINE pour " y tenir du sel a tous les habitans en tenant controlle de la distribution". Jacques MARON, le 9 mars, prend à bail la sallature à 32 sous le civayer de sel. Le 22 janvier 1682, Anthoine DELAUP, regrattier débiteur du sel de la gabelle de SISTERON, prend l'engagement de débiter ce sel aux mesures de l'EPINE à 31 sous le civayer et à 4 sous 2 deniers la livre. Le bail à "tenir vin", c'est-à-dire à débiter du vin. ne figure pas dans les procès-verbaux dépouillés; ce qui ne signifie nullement qu'un tel bail n'existait pas à l'EPINE, mais plus vraisemblablement que les documents comportant cette mention ont disparu. 14 Les problèmes faisant l'objet de débats passionnés, au XVIIème siècle comme de nos jours, étaient ceux qui revêtaient directement ou indirectement un aspect financier, tout particulièrement ceux traitant des impôts et des dettes publiques. Il est aisé de constater que les débats portant sur la fiscalité ou le budget de la Communauté ne sont pratiquement jamais absents dans les assemblées générales. La taille royale, impôt annuel payable par quarts, est une préoccupation constante pour les taillables, ou contribuables soumis à la taille. Chaque année, un lançon, sorte d'avertissement, parvenait aux consuls. Ce lançon fixait le montant global de la taille royale pour l'année suivante; le 29 octobre 1645, par exemple, 678 livres 9 deniers, plus 46 livres 2 sous 3 deniers, plus encore 23 livres 16 sous, soit au total 747 livres 19 sous. Le lançon ordonnait généralement de nommer deux collecteurs, ou "asséeurs" (3), pour "perequer" (ou répartir) équitablement la taille entre les taillables. Ceci étant fait, la recette de la taille était mise aux enchères. Un rôle était établi et soumis à ces "Messieurs du bureau" de l'élection de MONTELIMAR. Généralement, cela ne présentait aucune difficulté; cependant, le 26 décembre 1688, le rôle est refusé parce ce qu'il comprend, en sus de la taille royale, 150 livres pour les gages du secondaire (adjoint du curé) et 3 livres 4 sous pour les "épices". Les épices, à l'origine simple cadeau aux magistrats par des plaideurs satisfaits, devinrent très vite une obligation, que les ordonnances successives prises à cet égard furent impuissantes à supprimer. Une autre taille fait l'objet de vives discussions : la taille "negotialle", celle que l'on pouvait négocier. La taille "negotialle", levée pour faire face aux diverses dépenses de la Communauté pourrait être rapprochée, en quelque sorte, de nos impôts locaux. Tout, avons-nous dit, était soumis aux enchères y compris la recette des impôts comme la taille. Lorsque la somme globale de la taille imposée à la paroisse était connue, ainsi que la part incombant à chacun, on procédait à la mise aux enchères pour le recouvrement de l'impôt. Le bail de la taille, ou recette de la taille, consiste en général à prendre en charge la totalité de la (des) taille!s) moyennant un bénéfice, et à faire l'avance du premier versement, généralement le quart du montant total de l'impôt. Chaque enchérisseur devait bénéficier de la caution d'une tierce personne agréée par la Communauté. Celui qui avait accepté ce bail et que l'on nommait "exateur", ou "exacteur", devait ensuite, pour rentrer dans ses fonds, faire payer la taille à tous les taillables, ce qui n'était pas toujours aisé. Le 23 mai 1660, Gaspard ITIER propose d'assurer la recette de la taille moyennant 16 livres 10 sous pour 300 livres, soit environ 5,5 %; tandis que le 16 novembre 1683, Esperit BENOIT se charge de ladite recette à raison de 5 écus pour 100 écus. Le 5 novembre 1684, le même Esperit BENOIT offre d'assurer la recette au taux de 4%, mais Jacques ITIER propose 11 livres pour 100 écus, soit 3,7 %, chacun d'eux prenant les frais à sa charge. Il n'était pas indispensable d'appartenir à la Communauté pour affermer la recette de la taille. En 1686, la taille a été "criée" à la porte de l'église le 17 novembre, la veille du premier quartier, sans résultat. Il en été de même les dimanches suivants jusqu'au'30 novembre, date à laquelle 15 Pierre MOUREAU, marchand de SERRES, propose de prendre la recette à raison de 10 écus pour cent; et Jean André BONNET, bourgeois de BELLEGARDE offre d'affermer la taille à 9 écus pour cent, les frais de voyages demeurant à sa charge. Le 17 novembre 1687, Esperit BENOIT, pour l'emporter sur Jean BERNARD aussi enchérisseur, se déclare prêt à affermer la recette de la taille et s'engage, entre autres conditions, à n'utiliser que les services du sergent contre les taillables' défaillants sans demander l'envoi d'une brigade de garnisaires; argument de poids qui lui permit d'avoir l'avantage. En principe, les frais de voyage à MONTELIMAR, où le responsable de la recette de la taille effectuait le dépôt des sommes perçues, lui étaient remboursés. L'EPINE était, en effet, dans une situation curieuse; alors que MONTMORIN, par exemple, dépendait administrativement et ecclésiastiquement de GAP, 1'EPINE était rattachée à l'élection de MONTELIMAR, pour tout ce qui concernait la fiscalité, au BUIS pour l'administration et à GAP pour tout ce qui relevait de la justice et de la religion. La Communauté réglait des frais, chaque année, les uns en principe fixes, comme les gages des "officiers" de la Communauté, les autres variables, comme les réparations des bâtiments ou de la fontaine, mais aussi le remboursement des dettes publiques augmenté des intérêts. Le châtelain et les consuls établissaient, quand le besoin s'en faisait sentir, un bilan des sommes à débourser; ainsi le 9 mai 1683, la répartition des dettes se présente comme suit : Comte de VENTAVON 351 livres André RICHAUD (reliquat) 50 Jacques MARON (reliquat) 629 Jean ALLIER (obligation) 120 Sr BENOIT ('reliquat) 64 " 5 s. 10 d. Sr REYNAUD (reliquat) 43 Jacques MEYSENQ {fontainier) 150 Fabrication de la cloche 605 " Fournitures (bois, métal) pour la cloche 50 " Gages des "officiers" 60 Frais de péréquation 50 " soit au total 2172 livres 5 sous 10 deniers, montant énorme. Certaines dettes concernent des frais occasionnels, par exemple la fabrication de la cloche et les fournitures prévues pour celle-ci à régler à Daniel JOUBERT, maître charpentier, et à André RAZAUD, maître maréchal. D'autres sont le résultat d'emprunts de la Communauté à des particuliers, emprunts soit en espèces, soit en grains, dont le remboursement est toujours difficile et qui, souvent, contraignent la Communauté à emprunter de nouveau simplement pour s'acquitter des intérêts. Les prêteurs s'impatientent fréquemment et quelques-uns, après de multiples assignations, sommations et commandements ont recours aux tribunaux, ce qui oblige la Communauté à. se faire représenter par un procureur et un (des) avocat(s), d'où de nouveaux frais. Ainsi, il est dû à Madame de VENTAVON 6000 livres en principal et intérêts; ne pouvant obtenir le remboursement de ce prêt, elle fait un commandement à la Communauté le 20 août 1662, un autre le 21 mai 1664, puis un troisième le 24 mai 1665... Il arrive que le prêteur, excédé,' prenne une mesure extrême : la 16 saisie. Mais que peut-on saisir à une Communauté qui, en fait, n'a aucune existence juridique ? On tourne la difficulté en saisissant des biens appartenant aux consuls, représentants de la Communauté, ce qui explique peut-être en partie le peu d'enthousiasme de certains de ceux qui étaient choisis pour assumer cette tâche. Le 28 septembre 1636, Pierre MARIN, à qui l'on doit 230 livres, fait gager, ou saisir, les 40 brebis, 20-moutons, 14 anouges, 10 chèvres et 12 chevreaux de Pierre MOURENAS, consul. De même, le 25 novembre 1644, le sieur BOZONNIER, de SERRES, à qui il est dû 8 charges de blé, fait saisir l'ânesse et le poulain de Jean MORENAS et un mulet de Pierre OBERIQ, tous deux consuls. On pourrait multiplier les exemples. Deux solutions s'offraient au châtelain et aux consuls pour acquitter, du moins en partie, les dettes de la Communauté : une taille "negotialle" ou la vente d'un dizain. Dans le premier cas, il fallait obtenir l'autorisation de la Cour du Parlement de GRENOBLE pour pouvoir lever la taille "negotialle", en étayant cette demande de pièces justificatives : sommations, commandements, émis par les créanciers. Le 23 avril 1685, il est demandé la permission de "perequer" une taille "negotialle" de 600 1 ivres . L'autre procédé consistait en un prélèvement obligatoire du dixième des "fruictz", c'est-à-dire des récoltes. Ce dixième, ou dizain, perçu après le dizain dû au prieur, était vendu au profit de la Communauté qui utilisait la somme ainsi recueillie au paiement des dettes les plus criantes. Là aussi l'autorisation du Parlement était nécessaire. Le dizain était mis aux enchères comme les autres recettes. Le 11 janvier 1632, un dizain sur tous les grains et sur les foins est mis en place pour cinq ans. Le 16 décembre 1674, un dizain est prévu pour le' règlement de 7174 livres 4 sous 5 denier^ de capital et d'arrérages. La perception du dizain provoquait parfois le mécontentement de certains taillables; le 21 septembre 1675, par exemple, quelques habitants estiment*qu'on leur a prélevé plus qu'ils ne devaient donner pour leur part. Les consuls feront une enquête, on remboursera le trop perçu, mais des sanctions seront prises contre ceux qui se plaignent mal à propos. Refuser de payer les tailles ou le dizain n'était guère possible, par contre on peut toujours ne pas accepter de prêter. Quelquefois, en effet, les consuls tentaient de mettre en place un emprunt forcé, ce qui aurait dû paraître plus satisfaisant aux contribuables que les tailles "negotialles" ou dizains, puisque par définition un emprunt suppose un éventuel remboursement. Or, le 17 septembre 1645, la plupart des habitants refusent de participer à deux emprunts forcés, ce qui amène les consuls à remplacer ces emprunts par deux tailles "negotialles". La Communauté, en tant que telle, ne pouvait pas emprunter directement, les consuls et quelques notables le faisaient alors en leur nom et engageaient leur propre responsabilité, puis ils devaient plus tard contraindre les habitants à rembourser l'emprunt. Les emprunts de blé, entre autres, lors des disettes comme le 18 mars 1631, le 20 juillet 1644 ou encore le 15 juillet 1646, pourraient être définis comme des emprunts en cascade : les consuls et notables 17 empruntaient en leur nom personnel des grains qu'ils prêtaient à la Communauté, représentée par les consuls lesquels distribuaient, sous forme de prêts, ces grains aux pauvres. Le paiement de la dette suivait, en sens inverse, le même cheminement. Alors qu'en 1643, lors de sa visite pastorale, 1'évêque avait trouvé l'église Notre-Dame-de-Beaulieu en bon état, tout' particulièrement la voûte, la nef et le presbytère; en 1663, le 22 avril, la voûte de l'église menace de s'écrouler et risque, selon les consuls, de "faire Mal a quelcun". Le 3 octobre 1683, la voûte tombe en ruine, rien n'a été fait pour la consolider; de sorte que le 13 mai 1685, elle est fendue en plusieurs endroits. Le 19 août, la Communauté a acheté les pièces de bois et le plâtre nécessaires à la réparation. Le 2 octobre 1672, il faut prévoir un supplément au prisfaict précédemment établi pour la réfection du clocher, soit 27 livres 10 sous. Cette année-là un nouveau prieur est attendu, mais l'ancien n'a pas fourni le luminaire et le curé, le 30 octobre, ne peut plus dire la messe faute de cierges. On constate également que les portes de l'église pourrissent à cause des eaux pluviales qui stagnent au pied du portail. Le 22 mai 1636, l'assemblée donne son accord à un nouveau prisfaict pour le bois indispensable à l'édification de la chapelle Saint-Sébastien, dont la construction a été décidée dès 1632. Les murs ont déjà été édifiés mais, si les travaux ne reprennent pas rapidement, ils risquent de s'effondrer. D'ailleurs tout le bois qui avait été coupé en prévision de la construction est entièrement perdu. L'assemblée ordonne, le 27 novembre 1639, à tous ceux qui possèdent des boeufs d'assurer le charroi des pierres de taille pour Saint-Sébastien 'et d'all'er à la BATIE-MONTSALEON chercher les tuiles nécessaires à la couverture. Pour financer les travaux, la Communauté donne pouvoir, le 1er janvier 1643, aux consuls de vendre la maison lui appartenant, située derrière l'église." Que s'est-il passé entre 1643 et 1660 ? Il semble bien que la chapelle Saint-Sébastien soit en très mauvais état puisque le 23 mai 1660, l'assemblée prévoit de faire charrier des matériaux pour rebâtir cette chapelle et, précise-t-on le 26 mai 1661, selon les intentions de Mme de VENTAVON et de M. de GARGAS, prieur. Mme de VENTAVON a d'ailleurs prêté une somme assez importante dans ce but, la Communauté lui est redevable, en effet, le 19 juin 1661, de 1200 livres d'intérêts. Le 15 décembre 1675, on demande aux maçons un prisfaict pour un cul-de-lampe et une porte "ronde" ! Enfin, le 14 juin 1691, il est ordonné un charroi de plâtre pour blanchir la chapelle Saint-Sébastien . Pour obéir aux injonctions de 1'évêque de GAP qui, lors de ses visites pastorales, exigeait l'installation de cloches dans le clocher de l'église paroissiale pour appeler les fidèles à la messe et sonner l'angélus, 1'EPINE envisage, le 26 juin 1675, d'acheter une cloche valant 100 livres,M. de VENTAVON offrant de participer à cet achat pour 50 livres. Cette cloche a-t-elle été achetée ? Y en avait-il déjà une dans le clocher de l'église ? Il n'est pas possible de répondre 18 avec précision à ces questions; quoiqu'on puisse pencher pour l'affirmative, le clocher étant en cours de réparation dès le 2 octobre 1672, or le clocher n'était généralement construit que si une cloche devait y être installée. Une "campane" est pourtant déjà mentionnée dans les comptes consulaires de 1599. Ce qui est certain, par contre, c'est que la Communauté décide de faire fondre une cloche le 15 novembre 1682. M. de VENTAVON a avise-les consuls qu'un maître fondeur travaille près de VENTAVON et qu'une cloche de 4 quintaux reviendrait à 55 livres, à condition de fournir la matière première et le bois. Le 2 décembre, on n'a pu rassembler que 2 quintaux 1/2 de matière première; le 27 décembre le moule est prêt mais le fer fait défaut, et si l'on ne peut s'en procurer dans les environs il faudra aller en chercher à GAP. Enfin, le 11 avril 1683, la cloche va être placée dans le clocher, cinq prêtres la bénissent, le parrain Jacques MARON et la marraine Isabeau BARRET la baptisent "Marie Françoise". Il ne reste plus qu'à rémunérer le maître fondeur, ce qui posera quelques problèmes. Le 1er mai suivant, l'assemblée se plaint que la cloche, depuis qu'elle est en place, ne donne pas satisfaction car elle ne sonne pas les "divers tons" ! Une fontaine existait.déjà, sans doute depuis longtemps, quand le 22 mai 1636 André CLIER est chargé de la remettre en état. Pour cela il coupera le bois nécessaire à la fabrication des "bourneaux" (7) et fera "decouller" la fontaine devant l'étable du seigneur. Chaque habitant fournira une journée de travail, homme ou femme, et André CLIER recevra en paiement 9 émines de blé froment, plus pendant un an 2 civayers de froment par habitant pour l'entretien de ladite fontaine. Le 1er janvier 1644, Charles BEGOU prend en charge l'entretien de cette fontaine et il est bien précisé qu'elle jaillit devant l'écurie du seigneur. Non seulement cet entretien est difficile à réaliser, par le fait peut-être que les conduites durent peu, mais encore il arrive que l'eau soit polluée. Le 6 mai 1646, l1EPINE connaît une grande disette d'eau et l'on est obligé d'aller puiser dans le "dolloys" (8), contre la maison de Claude TROPHEME,pour la cuisine et pour pétrir le pain, or plusieurs particuliers ont infecté l'eau du "dolloys"; il est donc interdit d'y laver "drap des petitz Enfanta et Tripes", ou tout autre chose susceptible de souiller l'eau, sous peine de 30 sous d'amende à chaque incartade, dont la moitié ira à l'église. La sécheresse s'accentue, et le 12 août 1646, il est intimé aux habitants du Rochas (Le Rosas), du Truix (Le Struis) et de la Villette de ne pas retenir l'eau pour arroser leurs prés, sous peine d'une amende de 30 sous, doublée puis triplée pour les manquements suivants, la moitié du produit de ces amendes ira aux dénonciateurs, l'autre moitié à la réparation de Notre-Dame-de-Pitié. Le 15 novembre 1G76, il est une nouvelle fois défendu de laver dans le bassin à cause de la contamination, sans autre précision. L'eau jaillissant devant l'écurie du seigneur ne semble plus donner satisfaction en 1648, puisque le 27 septembre l'assemblée constate que 1'EPINE a un grand besoin d'eau, tant pour l'usage domestique qu'en cas d'incendie, et qu'il est nécessaire de faire venir un fontainier qui établira un prisfaict précisant le lieu où coulera la fontaine et le prix à payer. Le 30 mai 1655, rien n'a été 19 fait car certaines personnes ne sont pas d'accord sur l'endroit où sera placée la fontaine, et l'on doit en référer à Monsieur de VENTAVON. Le 2 octobre 1672, il faut remettre en état la fontaine abandonnée depuis quelque temps, il est suggéré de faire une voûte jusqu'à la source, de telle sorte que personne ne puisse y pénétrer. Le 4 juin 1673, on envisage d'amener l'eau par une conduite jusqu'au-coin du pré de Jeanne REVERDY (!). L'assemblée consacre 100 livres à la réparation de la fontaine qui ne "flue" plus, le 13 mai 1674. Le fontainier d'EYGUIANS, Jacques MEYSENQ, effectue les travaux mais a le tort d'accepter de pratiquer un trou (dit "larron") dans un tuyau passant dans le jardin du curé Claude TROPHEME, à la demande de ce dernier. L'assemblée donne l'ordre au fontainier de reboucher ce trou à ses frais, le 29 juillet 1674. En 1676 une fois de plus, la fontaine est au centre des préoccupations; les tuyaux sont cassés, les fuites sont nombreuses et l'eau cause des dégâts chez des particuliers que la Communauté doit dédommager. Ceci se reproduit en 1691 et en 1698. Le 14 mars 1677, on s'aperçoit qu'un particulier a échangé l'eau du béai contre les canaux alimentant la fontaine. Il est constamment question de la fontaine dans les débats de l'assemblée. En fait, la principale cause du tarissement de l'eau provient du défaut de nettoyage, la terre obstruant peu à peu les conduits, telle est la conclusion de la discussion du 24 octobre 1682, et on s'aperçoit, le 8 novembre, que la "tine", ou cuve, est trop petite pour être efficacement nettoyée. Le fontainier la découvre et remplace de nombreux tuyaux, le 27 décembre. Le lendemain, c'est le drame. Un habitant a détourné l'eau qui traversait son pré, si bien qu'un incendie s'étant déclaré dans le village une maison fut entièrement consumée, faute d'avoir pu prendre de l'eau à la sortie du pré. •* Le 3 novembre 1691, la fontaine ne "flue" presque plus, les tuyaux ont disparu, que sont-ils devenus ? Le 30 novembre 1697, la fontaine est une fois de plus à l'ordre du jour. Le châtelain a dû faire l'avance de 18 cannes à 11 sous pièce et de 49 sous d'huile et de graisse pour le mastic. Le curé de l'EPINE fait part d'une lettre, datée du 14 juillet 1686, de Messire ANGLES, archiprêtre et curé de TRESCLEOUX, qui a reçu mission de l'évêque de GAP d'enquêter sur les miracles attribués à Notre-Dame de la Font-Sainte. L'assemblée estime que tous les paroissiens étant au courant de ces miracles, l'évêque peut ordonner des enquêtes s'il le désire, la Communauté n'a pas à s'en mêler. Dans ces conditions, l'évêque se voit contraint de prendre une ordonnance, le 13 septembre 1686, mettant en demeure les consuls de donner, dans le délai d'un mois, la liste des "prétendues" guérisons à Messire ANGLES. En cas de désobéissance des consuls, l'évêque fera détruire l'oratoire, la croix et toutes les autres marques de dévotion, et il sera interdit au curé de l'EPINE, et à tout autre ecclésiastique, de faire une procession audit lieu. Les consuls décident alors de remettre à Messire ANGLES la liste des témoins des guérisons, de fournir le papier "marqué" (timbré) nécessaire à l'enquête et le sergent royal chargé de porter les assignations. Le 24 novembre 1686, Messire ANGLES mène son enquête sur les miracles, dont le résultat fait malheureusement défaut dans les 20 archives. Les Pères Récollets de NYONS, séjournant à SAINT-ANDRé-de-ROSANS, venaient pratiquement chaque année prêcher le carême et aussi durant la quinzaine de Pâques. Ils étaient logés et nourris à l'auberge de la Croix-Blanche, dont l'hôtesse Jeanne VIAL réclame, le 25 novembre 1644, le paiement de leur pension. Pour les remercier la-Communauté leur remettait généralement une certaine quantité de froment, 2 charges le 23 avril 1685. Mais devant le danger menaçant la future moisson, la Communauté préfère avoir recours à la puissance de l'évêque, le 11 mai 1687, pour faire "lab.jura( ti ) on de la Vermine et autres animaux qui font mourir les bledz", et pour ce faire un messager se rend à VALERNES où séjourne alors l'évêque de GAP. Celui-ci est-il venu "abjurer" la vermine ? L'évêque de GAP, à chacune de ses visites pastorales, en 1599, er. 1612, en 1643, en 1686 et en 1693, ordonne de clore le cimetière d'une muraille pour empêcher le bétail d'y pénétrer. La Communauté n'ayant tenu aucun compte des ordres épiscopaux, le cimetière est interdit, autrement dit aucune inhumation ne peut plus y avoir lieu; or tout défunt relevant de la religion catholique, apostolique et romaine doit être inhumé en terre sainte, ce qui oblige donc à procéder aux inhumations dans le cimetière d'une paroisse voisine, d'où d'innombrables problèmes tant matériels que religieux. Le 1er septembre 1697, un prisfaict est demandé pour la clôture du cimetière; et le 27 avril 1698, on prévoit de construire autour du cimetière un petit mur de 5 pans de hauteur, pour 22 livres. Les habitants de la Péguière prenant prétexte de la difficulté d'ensevelir leurs morts à l'EPINE, compte tenu de la distance d'une lieue et de l'état du "meschant chemin de montaigne", impraticable l'hiver, sollicitent, le 3 octobre 1683, la permission d'avoir un cimetière sur place; ce que l'assemblée leur accorde volontiers, sous réserve de l'autorisation de l'évêque. Durant la guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688 - 1697), le prince Eugène de SAVOIE, à la tête de son armée, prit GUILLESTRE le 31 juillet 1692 et se dirigea sur GAP, après avoir occupé EMBRUN. Le 30 août, la ville de GAP tombait aux mains du maréchal de SCHOMBERG, officier calviniste français au service du prince Eugène. Ensuite les Savoyards semblèrent vouloir se diriger vers les vallées du Buech et de la Durance. Dès le 3 août 1692, Madame de VENTAVON avait écrit au châtelain et aux consuls de l'EPINE pour leur ordonner de fermer les portes du village, de monter la garde et de se procurer des munitions pour se défendre. On s'empresse alors de boucher les brèches de la muraille, ou des remparts, d'organiser des tours de garde aux portes Saint-Sébastien et Notre-Dame, de nommer des brigadiers, auxquels tous doivent obéir sous peine de 5 livres d'amende. Les consuls recensent les armes, font nettoyer les fusils et ils achètent, chez André JOUVE marchand de SERRES, 19 livres 1/2 de poudre, à 28 sous la livre, et des balles. Le prieur de MONTCLUS prévient les consuls de l'EPINE, le 19 août, que les ennemis "dessandent en bas" et qu'il faut garder le passage du pas de MONTCLUS; les consuls décident d'envoyer un 21 détachement, sous le commandement de brigadiers, en renfort à MONTCLUS. L'épopée militaire, en 1692, s'arrête là, les Savoyards ayant quitté le Gapençais dès le 12 septembre. Enfin, pour en terminer avec la question militaire, les Communautés étaient mises en demeure de fournir des soldats, prélevés sur les hommes célibataires âgés de moins de 40 ans, et d'assurer le paiement des armes et de l'équipement de ces soldats enrôlés dans la milice. L'EPINE doit fournir un soldat le 3 février 1636; les consuls cherchent la personne susceptible de porter les armes aux meilleures conditions, un homme accepte de partir moyennant 36 livres. Le 28 septembre, il faut lever deux autres soldats armés de piques et de mousquets. Le 29 août 1638, 1'EPINE reçoit l'ordre de lever un soldat pour l'armée d'Italie. Personne n'étant volontaire, on essaie de le trouver dans les paroisses voisines, un ressortissant de MONTCLUS prend la place du soldat défaillant. Hélas, tout est à recommencer car ce remplaçant s'évade ! Sur ordre de M. de LESDIGUIERES l'évadé est retrouvé, arrêté et remis aux autorités de MONTELIMAR. Le 20 juillet 1640, deux hommes encore partent de l'EPINE, et cela se reproduit assez souvent. Les milices bourgeoises communales, très anciennes, n'avaient guère qu'un rôle décoratif, tandis que la milice créée par l'ordonnance du 29 novembre 1688 devait, en principe, constituer une véritable armée de soutien, parallèlement à l'armée régulière. On procédait par tirage au sort; le remplacement, théoriquement interdit, est très fréquent et, dans ce dernier cas, on utilise à nouveau le procédé des enchères. ' Le 8 juin 1692, il s'agit de lever deux soldats pour la milice et. il est précisé anciens catholiques, c'est-à-dire que l'on rejette les protestants récemment convertis. Ces soldats seront armés d'épées, de ceinturons et de fusils. Le départ est fixé au 12 juin. Une ordonnance du maréchal de CATINAT impose à l'EPINE de fournir deux nouveaux soldats, le 9 mai 1694. On commence par payer les dépenses du messager qui a apporté l'ordonnance et celles du capitaine et du tambour, ceux-ci accompagnaient-ils le messager ? La somme à débourser se monte à 13 livres 18 sous. L'un de ceux que le sort a désigné refuse de servir. Si, dans un délai de 8 jours, il persiste dans son refus il sera réputé déserteur, et ses proches parents seront considérés comme responsables. Son oncle maternel est chargé de le raisonner. Le 11 mai, le réfractaire ne se présente pas et, probablement dans l'impossibilité de trouver un remplaçant ailleurs, sans autres formalités, on se saisit de la personne de l'oncle maternel, qui n'a pas mené à bonne fin sa mission, et il est enrôlé de force aux lieu et place de son neveu. Les frais de voyage pour conduire les deux hommes à ETOILE, où ils rejoindront leur régiment, s'élèvent à 39 livres 15 sous, que la Communauté de l'EPINE est tenue de régler. L'une des contraintes les plus impopulaires était, sans aucu: doute, l'obligation de loger les "gens de guerre", ou soldats. Non seulement on devait fournir logement et nourriture aux hommes, aux 22 chevaux et aux mulets, mais il fallait encore supporter les vexations et les exactions de la soldatesque allant du simple chapardage au pillage caractérisé et de la brutalité au viol, voire au meurtre. Par exemple, le 6 janvier 1641, le régiment de cavalerie de M. de SAINT-SIMON s'est logé à 1'EPINE chez l'habitant, par force et sans ordres. Les soldats ont dérobé des meubles et du bétail, battu plusieurs hommes et femmes, l'une d'elles fut d'ailleurs blessée, ensuite ils ont violé une veuve et lui ont volé tout ce qu'elle possédait. Fort heureusement, le comportement des gens de guerre n'était pas toujours aussi excessif; néanmoins, après leur départ, les habitants exprimaient fréquemment des plaintes justifiées. De toute manière, cela coûtait cher : 406 livres pour les années 1637, 1638 et 1639; le logement revenait à la Communauté, en 1664, à 13 sous pour un homme et 12 sous pour un cheval, par jour; théoriquement, elle était en partie remboursée. En dehors du logement occasionnel, il fallait contribuer au quartier d'hiver, c'est-à-dire au cantonnement des troupes durant la mauvaise saison en un lieu quelconque, par exemple à DIEULEFIT en décembre 1690. La paroisse était également taxée pour participer aux frais de logement dans une paroisse voisine; ainsi SAINT-ANDRé-de-ROSANS prétend, le 6 mars 1644, inclure 1'EPINE parmi les paroisses qui doivent l'aider à faire face aux frais de logement qu'elle doit débourser. La Communauté de 1'EPINE refuse, d'une part parce que SAINT-ANDRé relève de l'élection de GAP et 1'EPINE de celle de MONTELIMAR et, d'autre part, parce que des paroisses telles que MONTJAY, CHAUVAC, ROUSSIEUX ... sont plus proches de SAINT-ANDRé que 1'EPINE. Malgré cela, 1'EPINE se voit contrainte, le 24 avril 1644, à payer 160 écus (480 livres) pour les dragons logés à SAINT-ANDRé. Les "estapiers", responsables de l'organisation des étapes de l'armée, obligeaient également les communautés plus ou moins proches du lieu de l'étape à prendre en charge une partie des dépenses en numéraire ou en nature; l'EPINE paie 483 livrés 2 sous 4 deniers le 3 septembre 1647; elle ne peut livrer, le 14 octobre 1691, que 3O ras (9) d'avoine à VEYNES, au lieu des 20 charges exigées; ou encore 100 quintaux de foin à GAP le 3 janvier 1693. De temps en temps, un "lançon" pour la subsistance des gens de guerre s'ajoutait aux impôts habituels : 243 livres 5 sous le 24 novembre 1641. La recette du logement des gens de guerre faisait l'objet, comme bien d'autres choses, d'une mise aux enchères (10 octobre 1649 ) . Parfois, la Communauté, se trouvant dans l'incapacité de régler les frais de logement des gens de guerre, vendait un dizain. Cela se produit, entre autres, le 17 février 1636, où le dizain des grains, des agneaux et des chevreaux est vendu pour les 4 années suivantes. Le logement des gens de guerre, les quartiers d'hiver, les étapes et la subsistance entraînaient pour la Communauté des frais importants consacrés à l'armée; mais cela ne s'arrêtait pas là. Tous les ans, l'EPINE paie le bois et les chandelles destinés au fort de MEVOUILLON, soit environ 20 à 25 livres, le moindre retard est sanctionné et occasionne des frais supplémentaires. Il est même quelquefois question de lits, ainsi le 14 octobre 1640 et le 17 juir. 1685. Parmi les nombreuses et diverses taxations auxquelles 1 Communauté de l'EPINE était soumise, la construction et la réfection 23 de certains monuments publics avaient leur place, les ponts en particulier. Le 28 avril 1638, la Communauté est tenue de participer à la construction du pont de "Madame", à raison de 13 livres 10 sous. Le 14 octobre 1640, le sergent royal de SERRES exige 10 livres 15 sous 3 deniers pour la réparation du pont de bois de SERRES. L'EPINE avait également été taxée pour la réparation du pont la-"Barque" et du pont "Baumaniere", mais n'avait rien réglé, si bien que le 23 mai 1666 la Communauté est menacée de saisie si elle ne s'acquitte rapidement de 71 livres 15 sous. Le bétail représentait une partie non négligeable de l'avoir des paysans, tous ne possédaient pas de boeufs ni de chevaux, les moutons et les chèvres constituaient le cheptel le plus répandu. Mais ce bétail, "gros" ou "menu" selon l'expression utilisée à cette époque, était parfois victime d'une épizootie et la perte de ces animaux pouvait fort bien engendrer la misère. Le 12 février 1645, de nombreuses bêtes sont malades et les propriétaires ne peuvent les changer de lieu sans une visite de contrôle des consuls, pour éviter la contagion. Le 23 août 1665, quelques troupeaux sont atteints de la picote, ou variole, il faut les parquer à l'écart et les consuls assurent une surveillance de 8 jours en 8 jours. Un habitant se livre au commerce du bétail et rassemble des boeufs, des brebis et des chèvres sur le terroir, pour les faire paître, sans prendre la précaution de s'assurer de leur état de santé. L'assemblée lui donne, le 30 octobre 1672, 24 heures pour évacuer toutes les bêtes, passé ce délai le bétail sera saisi et des poursuites engagées. Ceci n'empêche nullement l'habitant en question de reprendre son trafic répréhensible le 10 juin 1674. Pour tenter d'éviter toute maladie, on demandé au curé de bénir les bestiaux de la Communauté, ce qu'il fait et pour 'le remercier, on lui accorde 8 livres le 8 novembre 1682. D'autres interdictions devaient être respectées. Il était interdit, par exemple, de mettre le bétail d'average (10) dans les "estoubles" (éteules), l'assemblée le rappelle le 16 juillet 1645, en fixant l'amende à 30 sous. De même pour conserver l'herbage en montagne, il est défendu le 17 novembre 1697, une fois de plus, de faire paître le bétail de labour et le bétail "menu" (ovins et caprins) dans les réserves de la Communauté avant la Saint-Luc (18 octobre) et après Notre-Dame de mars (25 mars), sous peine de saisie du bé tail. Les troupeaux transhumants, venant de Provence et allant vers la montagne de Durbon, séjournaient deux jours en moyenne sur la montagne d'Allons et les bergers payaient un droit variable pour les dégâts commis par les animaux. Les bois communaux, propriétés de la Communauté, représentaient une richesse tant pour les coupes que pour les pâtis. Bien entendu, il était interdit d'utiliser l'une ou l'autre de ces possibilités à son gré; l'autorisation du châtelain et des consuls était indispensable. Cependant, certains habitants de 1'EPINE et, ce qui est plus grave, des paroisses voisines passaient outre à cette interdiction. Constamment l'assemblée est informée d'une infraction et elle doit prendre les sanctions qui s'imposent. * 24 Le 9 juin 1636, on constate que 400 à 500 pièces de bois de pin ont été coupées, les consuls délèguent quelques hommes pour monter la garde, ce qui permet de surprendre un convoi de 18 boeufs venant de MONTJAY pour prendre possession de ces pièces de pin sur ordre de Madame de MONTJAY, selon les déclarations des contrevenants. Les boeufs sont saisis et la Communauté de 1'EPINE se pourvoit en justice. En 1639, le 26 juin, ce sont des habitants de l'EPINE qui, de. leur propre chef, abattent des arbres pour les débiter en poutres. L'assemblée rappelle qu'une autorisation est nécessaire et fixe les amendes pour les manquements : 3 livres, soit 1/3 au dénonciateur, 1/3 aux pauvres et 1/3 aux réparations de l'église. Il est permis, par contre, de couper librement le bois nécessaire à la confection des "pertis", ou timon de la charrue, et de "chanaulx", abreuvoir ou mangeoire pour le bétail. Le 1er janvier 1640, l'interdiction s'étend aux pierres. Nul ne pourra en prendre sans permission et sans être accompagné de David JOUBERT, maître maçon. Des individus sans scrupules commettent de tels dégâts et de tels abus dans les bois que d'ici peu, estime-t-on le 17 février 1547, ils seront complètement perdus; on ouvrira donc une information criminelle contre les responsables de ces dégâts et abus. Le 2 septembre 1674, des inconnus ont mis le feu au bois de la Boysse (La Bouisse), appartenant à la Communauté, l'incendie en a détruit la plus grande partie. Pour tenter d'assurer la protection des bois, l'assemblée les "ferme" pour une durée de dix ans à tous les habitants taillables ou non, le 19 mars 1684; les bois seront donc interdits d'accès au bétail et aux bûcherons clandestins. Il est ordonné par l'élection de MONTELIMAR, le 28 juin 1636, sur ordre du Roi, de procéder dans la province du Dauphiné à la remise à jour et à une nouvelle rédaction du cadastre, en particulier pour établir la réalité des tailles, autrement dit pour asseoir les tailles sur des bases réelles.- Des prudhommes seront désignés pour estimer les différentes parties du terroir et des mandements. Dès qu'ils auront commencé cette expertise, ils se-p'ont tenus de la terminer sans discontinuer. Lors de l'expertise d'un bien, celui à qui appartiendra ce bien s'absentera. Bien entendu, les experts devront en premier lieu prêter serment. Ces experts cnt été nommés le 8 mars 1638 et l'assemblée constate avec stupeur le 10 mai 1643 qu'ils n'ont encore rien fait ! Il est pourtant urgent de dresser ce cadastre, on ne peut plus faire confiance à l'ancien parcellaire, qui ne tient aucun compte des changements intervenus, de sorte qu'on peut le considérer comme faux en grande partie; ce qui est fâcheux pour l'établissement des impôts. Une commission est constituée sur le champ. Le 9 avril 1645, on en est au même point ! Tous les possédants de fonds, ecclésiastiques, nobles ou roturiers sont convoqués, en vertu de l'ordonnance du 14 décembre 1643, pour nommer des arpenteurs ou estimateurs ou arbitres qui procéderont à la confection du cadastre. Le c mai 1645, Anthoine MELVE, de MANOSQUE, est retenu comme arpenteur pour les terres et bâtiments , tant taillables qu'exemptés, il les évaluera et dressera un cadastre qui sera remis aux consuls en août prochain. Il percevra pour ce travail 285 livres, dont la moitié payable dajis 15 jours, l'autre moitié à la remise du cadastre. Le 18 juin, le .sieur MELVE a pratiquement terminé l'arpentage. Il ne reste 25 donc plus aux experts qu'à classer les fonds par catégories selon leur fertilité et leur destination : prés, terres labourables ... Le 24 octobre 1682, l'assemblée décide que le cadastre demeurera dans les archives de la Communauté; on en fera une copie que les intéressés pourront consulter, ils seront également autorisés à prendre des notes si bon leur semble. Ce cadastre a été présenté à l'intendant, avec les rôles de' taille depuis 1687, le 13 juillet 1698, La coutume était d'offrir des présents, ou cadeaux, au seigneur et aux personnages importants, sinon aux grands personnages, pour se concilier leur bonne grâce. La Communauté de 1'EPINE respectait la coutume et saisissait toute occasion lui paraissant favorable pour offrir un présent à Monsieur ou Madame de VENTAVON. Le 8 septembre 1641, craignant d'avoir offensé le seigneur en l'assignant devant l'intendant, car Balthezard de MORGES avait manifesté son mécontentement, la Communauté demande à M. de RIBEYRET de plaider sa cause auprès de M. de VENTAVON et de le prier d'accepter une mule, d'une valeur de 100 livres, en présent. Puis pour remercier M. de RIBEYRET de ses bons offices, ainsi que son ami M. de SAINT-NAZAIRE, la Communauté offre à chacun d'eux un demi-quintal de fromage. Il serait fastidieux d'énumérer tous les présents, seuls ceux présentant un intérêt particulier seront cités. A l'occasion de la naissance de son fils, M. de VENTAVON reçoit en cadeau, le 10 avril 1650, 2 moutons, 4 chapons et 12 livres de fromage. On en profite pour tenter d'emprunter au seigneur 9 charges de blé pour les pauvres. Le 25 novembre 1674, la Communauté offre 19 pistoles (190 livres) à M. et Mme de VENTAVON, en cadeau de mariage. On offrira, le 5 novembre 1684, 2 moutons et 12 chapons ou 3 moutons et pas de1 cha.pons ; peut-on en conclure que 12 chapons sont l'équivalent d'un mouton ? Le 8 janvier 1693, 3 paires de perdrix sont données à M. de VENTAVON, ces perdrix sont estimées 3 livres la paire; tandis que le 23 novembre 1698, 'le don consiste en 12 dindonneaux à 22 sous pièce et 32 livres de fromage à 7 sous la livre. Sans doute avez-vous fait le rapprochement entre ces assemblées générales et les délibérations des conseils municipaux actuels. Certes l'objet en est le même, on traite les affaires intéressant la Commune ou la Communauté, et on essaie de résoudre les problèmes sans heurter, du moins on l'espère, la susceptibilité de tel ou tel. Cependant les différences sont bien marquées. A l'inverse du groupe formé par le maire et les conseillers municipaux seules trois personnes détenaient alors l'autorité : les consuls et le châtelain, et ce dernier, représentant du seigneur, exerçait un pouvoir incontesté. Tous les manants et tous les habitants taillables étaient convoqués et participaient aux délibérations, ce qui ne les incitait pas toujours à se rendre aux assemblées, nous 1'avons vu. Etait-ce mieux qu'aujourd'hui ou non ? Je me garderai bien de répondre, chaque époque comporte à la fois son charme et ses inconvénients. 26 NOTES 1 - provençal "afita" ou "arrenda" : prendre ou donner à ferme. 2 - devis. 3 - ceux qui étaient chargés de fixer la base de l'imposition, l'assiette de l'impôt. 4 - porc, terme provenant de l'ancien provençal. 5 - pain de seconde qualité. 6 - viande de bonne qualité marchande. 7 - tuyau de conduite. 8 - provençal "dougo" : fossé d'un mur de ville, douve. 9 - le "ras" équivalait à un cinquième de "charge". 10 - provençal : espèce ovine. Gaston CANU 20 août 1990 t DOCUMENTATION Archives Départementales des Hautes-Alpes, GAP, Cote 3 E 2855 à Cote 3 E 2859. BIBLIOGRAPHIE CABOURDIN (G.) et VIARD (G.) - "Lexique historique de la France d'Ancien Régime", Collection "Lexique U", Armand Colin, PARIS, 1978. HINCKER (F.) - "Les Français devant l'impôt sous l'Ancien Régime", Collection "Questions d'Histoire", Flammarion, PARIS, 1971. MARION (M. ) - "Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIème et XVIIIème siècles", Editions A. et J. Picard, PARIS, 1979. réimpression de l'édition originale de 1923. MEIZEL ( J . ) - "Essai historique sur les Hautes-Alpes, des origines à 1820", Louis Jean, GAP, 2 tomes, 1927.' 27

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