lundi 27 novembre 2006

UN VILLAGE AMI: SIGOTTIER

Le nom de Sigottier dérive de la racine indo européenne SEK souvent rencontrée d'Asie Mineure jusqu'en Espagne et qui aurait eu le sens de "rocher" ou "montagne". Sigottier est un pittoresque village du Serrois bâti à l'entrée d'une étroite cluse où coule le torrent d'Aiguebelle, affluent du Buëch.

A ce lieu fréquenté correspond une très ancienne appellation. Notée Bigoterium Castrum vers 1100, Cigotier en 1242, elle devint Sigottier en 1516 et ne changea plus d'orthographe. Sigottier, Sigale, Sigonce, Sigoyer ou Siguret ne rappelleraient-ils pas que, pendant de longs siècles avant Jésus-Christ, après la chasse ou les travaux agricoles, rentrer chez soi, à son habitation c'était souvent revenir à sa falaise à l'ombre rassurante de sa grotte ? Qu'importe si ce n'était qu’un antre, on y était en sûreté et près de là plus tard, on y construira sa maison. Sur le territoire de la commune ont été découvertes neufs grottes sépulcrales. Au moyen-âge, la localité fut entourée de murailles, dont il ne reste plus de traces mais au XlVe siècle il y avait déjà le château. Sa tour ronde semble surveiller encore aujourd’hui tous ceux qui franchissent le défilé. Les deux hauteurs abruptes d'Agnielle et de St Michel qui le dominent, attirent nombre d'amateurs de falaises. Une école d'escalade a été créée. Le château existe toujours et a été changé en ferme. Il est très bien conservé. Situé au fond d'une cour dans laquelle on entre par une porte à arc brisé, il se compose d'un corps de logis et d’une tour ronde. La porte est en accolade ornée de fleurs de lys ; les fenêtres sont à croisillons ou a meneaux centraux, dans la tour se trouve un escalier à vis. A l'intérieur, une vaste cheminée sur les pieds de laquelle est sculpté à gauche l'écusson de la famille de ROUX, qui posséda la terre de Sigottier de 1564 à 1660. Sigottier porte les armes des RAYMOND, qui furent les seigneurs de 1718 à 1803. Sigottier faisait partie du fief des MEVOUILLON qui avaient là une famille de châtelains. Dès le XIIe, un prieuré existait dans cette paroisse : il dépendait de l’Abbaye de St Géraud d'Aurillac.Au XVIIeme, le curé prend le titre de Prieur. De 1088 à 1091, Amulphus et Regoardis, sa femme, donnèrent à l'hôpital de St Martin de Gap, de l'ordre de St Jean de Jérusalem, une maison à Sigottier, peu à peu cet ordre agrandit ses possessions. En 1429, la moitié de la seigneurie lui appartenait, il l’aliéna ou la perdit ensuite car en 1667 l’hôpital n'avait plus aucune propriété à Sigottier. Sigottier dépendait de l'élection de la subdélégation et du vibaillage de Gap. Le seigneur avait une juridiction particulière s'exerçant à Serres avec appel au vibailli de Gap. Il y eut dans la terre de Sigottier au moins six coseigneuries qui se confondirent en une seule en 1670. La première coseigneurie appartient d'abord à une famille du nom de Sigottier : Bertrand de SIGOTTIER 1121- puis LAGIER 1232 - RAYMOND et LAGIER 1235. La seconde coseigneurie appartient à la famille de la Penne qui s'éteignit au commencement du XIVe par un fils nommé Athénuple et une fille mariée à Eudes RAYMOND. Claudie, fille cadette de Breton RAYMOND, épouse Jacques FLOTTE qui teste en 1581, Jacques leur fils vend sa part à Jean de la Tour Mirabel en 1617. Cette coseigneurie tombe dans la première par la vente qu'en fait Pierre de la Tour à Louis de LEOTARD, vers 1670. La troisième coseigneurie était sise sur le hameau du château au haut Sigottier et dépend de Pierre de MEVOUILLON en 1200 ; puis suit BERTRAND 1247-1263; GALGURGE 12631276, le Dauphin l'acquit à cette dernière et l'inféoda à Barthélémy d'AMORISIO 1328-1387. Louis de ROUX rachète tout le domaine delphinal en 1564 ... Vint sa descendance Antoine, Jean, et Henri. Ce dernier vend sa part à ses frères. Lucrèce, fille de Louis de ROUX, épouse Louis de LEOTARD en 1660, qui achète la part de Louis de Pontis en 1661 et celle de Charles de ROUX, oncle de sa femme, en 1664 ; il vend sa coseigneurie, qui se confond avec la première, à Ennemonde MORET en 1670. La quatrième coseigneurie appartenait aux seigneurs de la BEAUME, fief tout voisin. Bertrand OSASICA 1319, RAYMOND 1334, sa fille Arnaude épouse Raymond de la BEAUME en 1342. Vers 1613 cette coseigneurie se confond avec la première. La cinquième coseigneurie concerne Guillaume AUGER qui possédait une terre qu’il donne, à la fin du XIIIème siècle, au prieur de Sigottier. Le prieuré et la cure ayant été unis au XVIIème, le curé devint coseigneur de sa paroisse. La sixième coseigneurie dépend, dès la fin du XIème siècle, de l’ordre de St Jean de Jérusalem qui avait acquis des possessions à Sigottier. En 1667, il semble qu'il l’avait aliénée depuis longtemps. La communauté de Sigottier sise à 3 km de Serres, fait partie de son canton ; à 720 m d'altitude et a pour confronts : du levant le terroir de la Bâtie-Monsaléon, du midi le terroir de Serres, du couchant celui de l'Epine et de Peyre (La Piarre) et de bise le terroir d'Aspremont. Elle comprend le chef-lieu ou village dominé par son château et les hameaux de la Montagne, des Michons, des Forests, du Fourier et des lieux dits comme les Massots, l'Adrech, Messirodou, la Plaine. Avant la révolution, les foyers étaient au nombre de 80 environ ce qui, évalué vu les nombreuses familles, approchait de 350 âmes, mais la pauvreté des sols, la rudesse de la vie paysanne ont facilité l'exode des Sigottiards. Il convient de noter l'importance des hameaux par rapport au village chef-lieu, en particulier les hameaux du Forest ou les Forêts, qui comptait, avant la Révolution, pas moins de quatorze familles, la Montagne, les Michons. Dans les hameaux on retrouve les mêmes patronymes et souvent les mêmes prénoms, aussi pour mieux les identifier, on joignait à leur nom un sobriquet et on ajoutait le nom du hameau, ex : Reynaud Louis dit "fiouri de la Montagne". La graphie est variable selon la prononciation , aussi rencontre-t-on : BOYE - BOUIER - BOUMER - BOYER - CHANIARD - CHAGNIARD - CHAIGNARD - CHAGNARD, ce qui montre que l’orthographe des patronymes est parfois différente pour un même individu ou une même famille. Le patronyme REYNAUD représente à lui seul près des 1/6 des naissances, 1/3 des enfants mouraient en bas âge (de quelques mois à 7 ans) par manque d'hygiène, de moyens médicaux. Les jeunes files se mariaient -ou on les mariait- très jeunes et à trente cinq ans, usées par les travaux des champs et leurs nombreuses maternités rapprochées, elles mouraient en couches. Ce sympathique village a gardé très longtemps ses traditions, ses coutumes locales : en particulier les veillées où tout en travaillant on glanait les dernières nouvelles et échangeait des bons propos. C'est ainsi que de mi-Novembre à Janvier, les familles se retrouvaient chez les voisins où à tour de rôle on « énoyait », c'est-à-dire qu'on cassait les noix pour libérer les cerneaux pour faire de l’huile pour la consommation familiale, de même on émondait les amandes. Noix et amandes étaient une ressource locale non négligeable. A d'autres veillées les anciens racontaient des histoires, ou bien chantaient, en particulier un chant de Noël, oeuvre du Père Pouillard poète à ses heures introduit dans un chant où il invitait toutes ses ouailles à se rassembler pour être les premiers à venir saluer, louer le Dieu qui vient de naître en lui offrant dans sa pauvre crèche un agneau nouveau. Dans le chant l’ange annonciateur frappe à la porte des gens du hameau de la Montagne (ceux qui sont le plus loin). Ils doivent se réveiller et s'unir à tous les autres au fur et à mesure qu’ils descendent vers les hameaux voisins jusque dans la plaine. C'est un chant merveilleux traduit dans le dialecte du XVIIIe siècle où l'on trouve tous les patronymes de l’époque, pratiquement toutes les familles d'alors sont nommées et la majorité d'entre elles existent encore. Le doyenne du hameau des Forets, Mme Annette BASSER dite "Neton" devenue presque centenaire nous le chantait. Nous avons eu la grande joie dans notre enfance d'entendre ce Noël coloré, vivant, chanté par la chorale de Serres. Il est regrettable qu'on ait abandonné les vieux chants de nos aïeux, pleins de bon sens et de sagesse.

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